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Franck Lamaison

8 octobre 2012

Une petite exclu...

Le calme avant la tempête

 

 

Quelques fleurs se réveillent dans la lumière matinale. Elles baillent et étirent leurs pétales, prêtes à démarrer un nouveau jour de gloutonnerie photosynthétique.

 Un vieux monsieur s’avance, lentement, regardant quelques jeux d’enfants. Comme toujours, ça le fait sourire. Petits chevaux de bois sur ressorts et autres tourniquets sont bien tristes lorsque les marmots dorment encore. Et pourtant, dans quelques heures, la vie rayonnera, les rires s’envoleront de nouveau vers le ciel. A moins qu’il ne pleuve.

Le vieillard poursuit sa promenade. Il aime observer ces jardins, jadis théâtres de la vie quotidienne, à présent calmes et sereins, bien que parfois effroyablement bondés… Dans ces moments là, l’ancien ne vient pas. Les clameurs de la foule, les déguisements divers et variés, les discours d’hommes politiques venus faire commerce de leurs idées, ça n’est pas pour lui. Il préfère quand le parc est parc. Parfois, des photographies de l’ailleurs prennent place en son lieu favori. Là non plus il ne vient pas. A-t-on besoin de s’évader quand, si proche, l’océan vous offre l’infini pour penser ? Quand, à quelques minutes de marche, un des plus beaux endroits du monde vous octroie la possibilité de rebondir d’île en île, en suivant le vol et les appels des mouettes, hérons et bernaches… Il est comme ça le vieux, rêveur  souvent poétique, et inexorable témoin du temps qui passe. Il en a vu des évolutions ici, près de cette petite rivière qui longe l’espace vert avant de rejoindre l’infiniment bleu. Et même s’il est un peu nostalgique et préférait quand les gens n’avaient pas besoin d’occasions spéciales pour se retrouver ici et partager, il se fait plutôt bien aux changements que les époques lui déversent. Jusqu’à présent.

Quelques mètres plus loin, il assoie ses os presque poreux sur un banc. Son banc. Dur mais reposant. Fidèle ami qui l’a vu venir presque tous les dimanches de sa vie, et quasiment tous les jours depuis qu’il a pris sa retraite, quelques décennies auparavant.

A côté de lui, un être pleure. Comme toujours. Sûrement parce qu’il se sent seul, lui, le grand Saule. Ce n’est pas que la compagnie des fleurs le dérange, bien au contraire. Elles sont petites, mais intéressantes. Il aime leur compagnie printanière, leurs discussions frivoles et naïves de jeunes pousses, leur sublime éclat  qui illumine de vieilles pierres splendides mais ternies par le temps. Le problème, c’est que les cantonniers, depuis un certain temps, ne les laissent pas s’épanouir, ne leur donnent pas la chance de voir un deuxième été. Les fleurs s’en vont comme elles sont venues, plantées et déplantées par les mêmes hommes habillés de couleurs fluorescentes. Alors le Saule, ne peut aller plus avant dans ses florales relations. C’est pour ça qu’il est triste. Et qu’il pleure, sans cesse, condamné malgré lui à sa « saulitude ». Un muret en pierre, une route, quelques lignes blanches, et deux ou trois horodateurs le séparent de ses autres compagnons. Eux, s’écoutent pousser et frémissent ensemble, depuis bien longtemps. Il peut les voir s’amuser ensemble, se taquiner avec leurs branches… Quand on ne les taille pas trop court. C’est son supplice, sa malédiction. Alors, le plus souvent possible, il regarde d’un autre côté : vers les tourelles, vers les lavoirs, vers le ciel, vers l’espoir, ou vers ce vieil ami qui s’assoie près de lui très souvent.

Notre octogénaire s’est assoupi. La petite brise qui passe par là, faisant plier quelques brins d’herbes souples et dociles, n’a pas l’air de le déranger. Si son ouïe n’avait pas été altérée par les années, il aurait entendu la récente intrusion d’un autre habitué, éphémère cependant. Musique aux oreilles, le jogger ne fait que passer. Sa course quotidienne lui est nécessaire. Un moyen comme un autre d’évacuer les soucis de la journée avant qu’ils arrivent. Un moyen de préparer son corps et son esprit à affronter les tensions à venir. Mais le temps d’en parler, il est déjà passé.

Un peu plus haut, des volets s’ouvrent. Une splendide créature s’étire, tourne la tête vers le soleil. Un sourire s’allume sur son visage. Le beau temps est partenaire de bonne humeur. Elle l’invite donc à entrer. Elle disparaît quelques instants, et le Saule patiente. Il sait qu’elle va revenir. Il l’observe chaque fois que les cumulus se sont absentés. Il connaît ses habitudes autant qu’il apprécie, juste à côté de son tronc robuste, le calme octogénaire qui somnole la bouche ouverte. Il attend. Des fois, il aimerait être humain, pour pouvoir se rapprocher de la belle princesse des remparts. Qui revient d’ailleurs, et trempe ses lèvres exquises dans le breuvage caféiné qu’elle vient de se préparer, offrant son visage aux rayons du bel astre, qui, lui, du coup, ne sait plus si l’appellation doit lui être attribuée. La beauté de ce moment matinal vaut son pesant d’or. Le temps pourrait s’arrêter maintenant et personne n’en demanderait davantage. Ces moments exquis de simplicité devraient se fondre dans l’éternité.

 

Pourtant, le vieillard se réveille en sursaut, violemment perturbé dans son repos et redoutant un instant d’être victime d’une crise cardiaque.

La belle dame détourne la tête un instant, perdant en une fraction de seconde l’expression radieuse qui était figée à son visage, pour laisser place, sur ses lèvres et ses traits, à la déception et à une certaine tristesse.

Le Saule est saisi d’effroi. Il déteste le passage du premier véhicule le matin. C’est comme le son d’un cor de chasse annonçant au gibier que le courroux des hommes va s’abattre sur eux. Que leurs besoins nécessitent satisfaction. Que la fête est finie.

L’homme se lève de son banc, écarquille les yeux, réveille son corps. Il aperçoit les camions énormes d’une grosse compagnie qui arrivent et s’introduisent sur les allées blanchâtres de son lieu de repos. Les employés,  privés, municipaux et quelques intérimaires s’activent. Des bruits de ferraille se font entendre. Une pelle à pneu apparaît dans ce cadre jusqu’à présent idyllique, et quelques hommes pressés, tous de cravate déguisés, déplient des plans et pointent de leurs doigts différents endroits du panorama.

Dans un soupir, le promeneur reprend sa route. Il ne viendra plus dans ce parc et sent un gros regret s’extraire de sa cage thoracique, du plus profond de lui. Le projet de réhabilitation du quartier validé par le conseil municipal va prendre forme petit à petit et transformer le petit paradis du vieux rêveur en résidence de haut standing. En haut des vieilles pierres, une fenêtre se ferme furtivement et ne s’ouvrira plus jamais sur cette belle et poétique scène. La vue sera bouchée et cet endroit une propriété privée.

 

De nouveau seul, mais cette fois contre tous, impuissant et tremblant de peur, le Saule lâche quelques gouttes de désespoir.

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21 novembre 2011

Séance de dédicaces au salon du livre d'Elven

Affiche_Elven

 

Je serais présent au 12e salon du roman populaire d'Elven le dimanche 4 décembre 2011 de 10 heures à 18 heures. Une occasion de se rencontrer et d'échanger autour du livre "Tourments" paru récemment !

A bientôt !

 

21 novembre 2011

Tourments

tourments_pf0Le 8 novembre 2011 est paru le recueil de nouvelles intitulé "Tourments", chez PGCOM Editions.

Ce recueil comporte 20 nouvelles, dont la moitié écrites par Jean-Michel GAUDRON, avec qui j'avais déjà partagé quelques pages à l'occasion de la parution de "VOYAGES AUX FRONTIERES DU REEL" chez le même éditeur.

Des histoires d'amour, de cannibalisme, de temps qui passe, de fourrure, de système digestif, de football américain, de mère au foyer, d'arbres, de nudité, de page blanche, de cafards et de bien d'autres choses ! De quoi s'évader le temps de quelques pages et de, pourquoi pas, se laisser aller à réflechir aux idées plus ou moins farfelues de ces deux auteurs dont je fais partie !

A commander dans toutes les librairies, et également sur le site de l'éditeur www.pgcomeditions.com, mais aussi sur Chapitre.com, Amazon.fr,  Librairie Ellipse à Genève, Librairiedialogues.fr, Place des libraires...

Tout commentaire sera apprécié !

 

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